Interviews

Rencontre avec Nodey

De l'ingé son à la production musicale.

By

LiziAza

on

Mar 27, 2020

Interview

Tu possèdes une formation d’ingénieur du son… quel a été le chemin jusqu’à la production ?

Depuis le collège, je suis un gros kiffeur de son. Apres le bac ES, j'ai fait une fac d'eco gestion histoire de faire comme les autres mais je me suis très vite ennuyé. J'ai donc arrêté pour faire une formation d'ingénieur du son car je trouvais ça plus fun que les cours de compta. À cette école, je me suis fait des potes qui produisaient déjà de leur coté, ils avaient déjà du matériel pour faire de la musique. C'est eux qui m'ont appris les bases de la production musicale. Dans le cadre de l'école, j'ai fait un stage dans un label de rap indé qui avait un studio. Je devais m'occuper des séances d'enregistrements des groupes du label ainsi que les rappeurs du coin à savoir le 18e arrondissement de Paris. Les gens ont su que je faisais des instrus, j'ai donc placé mes premières prods là bas dans le 18e. Au fur et à mesure, j'étais de plus en plus sollicité comme producteur et au bout d'un moment, j'ai lâché ma casquette d'ingénieur du son pour faire que de la musique.

Qu'est-ce qui déclenche le processus créatif chez toi ?

C'est une envie. Il n'y a pas de déclenchement type je crois. Ça peut venir très bien en écoutant de la musique ou en regardant un film. Des fois, c'est juste en me baladant dans Paris, le fait de faire le vide dans sa tête, ça donne des idées de mélodies et de sonorités. Et une fois qu'un élément mélodique ou rythmique apparaît, mon cerveau a envie de créer tout l'univers qu'il y a autour.

De nos jours avec l’accessibilité qu’offre internet, la relation rappeur / beatmaker est un peu dénaturée. Dans ton travail, tu privilégies toujours un échange physique ou tu t’adaptes ?

Même si je suis beaucoup sur les réseaux sociaux, je préfère les échanges physiques. J'aime bien voir les gens en vrais, voir leurs regards. Après, j'ai la chance et le luxe d'habiter en région parisienne, c'est assez facile de capter les gens en direct. Ça aurait été totalement différent si je vivais dans un bled paumé. Internet c'est aussi mortel pour bosser et communiquer avec des artistes partout dans le monde.

Quelles sont tes plus grandes influences ?

Trop de choses m'influencent, je ne saurai pas hiérarchiser. Par exemple, au moment ou je te réponds, je prends mon petit déj en Inde. Là bas, tu peux entendre de la musique partout : de la musique religieuse, du bollywood, des gens qui chantent comme ça dans la rue. Ça donne pleins d'idées de mélodies, de samples, d'univers.

J'admire beaucoup les artistes qui maîtrisent plusieurs médiums : Jodorowsky, Le Corbusier, Leonard de Vinci, Kanye West par exemple. Aujourd'hui je sais faire que de la musique mais plus tard, j'aimerai bien faire de la photo, de la video, de l'architecture, du tricot etc. Avec les ordis et les logiciels, c'est de plus en plus simple de maîtriser des domaines qui étaient complexes auparavant donc faut en profiter.

Nodey derrière un mic, t’y a déjà pensé ?

J'ai rappé quand j'étais au collège avec un pote d'enfance, on a même fait quelques petites scènes dans notre secteur. Mais c'était pas trop mon truc alors j'ai vite lâché. J'ai grandit dans le 94, le délire du rap vu l'endroit et l'époque était un peu caillera. Moi ça me ressemblait pas trop, j'étais un petit asiatique tout gentil. C'est pour ça que la production musicale me convient mieux, je peux faire la musique que je veux sans avoir à jouer un rôle qui n'est pas le mien.

Arriverais-tu à faire un choix définitif entre les shows sur scène et la créa de prod en studio ?

Parce que justement, c'est pas trop mon délire de jouer un rôle, je préfère le studio. La scène, je vois ça comme une performance d'acteur. J'ai plus un tempérament de metteur en scène je crois. Je préfère créer qu'interpréter.

Qu’est-ce qui tourne en ce moment dans ta playlist ?

En ce moment, j'écoute beaucoup de chanson française de jeune babtou frêle et fragile : Le dernier album des Pirouettes, Clea Vincent, Paradis, Sneazzy. Sinon, je suis aussi sur le dernier Justice, le Rae Sremmurd, Jason Voriz, Henri Purcell, Rihanna et beaucoup Shake avec son dernier projet du 070.

Peux-tu nous parler de ton partenariat avec Red Bull ?

C'est Redbull qui a monté dans leurs bureaux parisiens un joli studio d'enregistrement. Ils proposent donc  àdes artistes français de leur prêter leur studio. C'est une sorte de mécénat qui offre à Redbull une certaine image de marque. Jusqu'à présent, ils faisaient surtout appel à des producteurs de musique électronique et ils veulent s'ouvrir au Hip Hop d'où l'idée d'avoir fait appel à moi. Ils m'ont proposé de faire un EP chez eux. Je leur ai donc proposé de faire un EP en ne samplant que des disques viets hérités de ma famille.

Je t'avoue que ta prod « David Carradine » tourne en boucle dans ma playlist en ce moment. Quel est ton titre préféré sur ton EP Vinasounds Vol 1 ?

Je crois que c'est "GoodBye My Uncle", il y a une émotion particulière que je retrouve surtout dans la vieille musique viet et dans l'art sud-asiatique en général : une beauté et une poésie subtile, tout en retenue.

Nodey, dj de PNL. Comment s’est créée la connexion ?

Le Karma à vrai dire. Je suis devenu très fan du groupe à partir de QLF, il s'est passé un truc fascinant. Je me rappelle d'une nuit il était 2h du mat, j'étais seul au studio de Youssoupha et j'ai regardé 13 fois d'affilé la video de "je vis je visser". Et un soir ou je mixais au nouveau casino, j'ai mis "le monde ou rien" et toute la salle s'est mis à chanter le morceau, on aurait dit une messe. Mon pote Majim a filmé la séquence et l'a diffusé sur facebook. Ademo est tombé dessus, il a grave kiffé la manière dont j'ambiançais la salle avec leur track et il a relayé la vidéo. Et pour leurs premier showcase au Yo yo, ils ont pensé à moi pour que je sois leur DJ.

Interview picture

Que t'évoque ces photos ?

Tianzuho Chen

C'est un artiste contemporain chinois qui s'appelle Tianzhuo Chen. La photo doit correspondre à son exposition en 2015 au Palais de Tokyo. Je suis en ce moment même ou je t'écris avec lui en Inde, on prépare un nouveau projet vidéo là bas. On enchaine ensuite en Chine où je vais mixer pour la soirée de Noël de son collectif "Asian Dope Boys". C'est un mec très talentueux, il va chercher son inspiration partout : dans la culture internet, dans les spiritualités les plus ancestrales, dans les cultures underground etc et il mélange mélange mélange.

Logo Beatmaker Contest

C'est les Beatmaker Contest, des battles où s'affrontent des beatmakers de la région parisienne. Je l'ai fait la première fois en 2011 et je me suis fait eliminer dès le premier tour comme une merde. Mais j'ai reçu pas mal de messages de félicitations de gens que je ne connaissais pas, chose que j'avais pas l'habitude vu que je fais des sons pour des rappeurs où généralement, l'auditeur ne sait pas qui fait l'instru. J'ai reçu des messages notamment de Youssoupha ou de Tefa pour travailler avec moi. C'est une étape qui m'a fait prendre conscience que ma musique seule sans MC dessus pouvait plaire à un public.

Vinasounds Vol.1

C'est la pochette de "Vinasounds", l'EP que j'ai fait au studio Redbull. La pochette a été pensé et conçu par Marion Dupas, une réalisatrice et illustratrice géniale. Je lui ai proposé de faire ma pochette, elle a trouvé le concept en 4 secondes : détourner un chapeau conique pour en faire une parabole qui s'oriente vers une étoile dans le ciel qui représente le drapeau du Vietnam. J'aime beaucoup son travail poétique et drôle. On collabore souvent. Elle m'a fait également la pochette de mon 1er EP Atrahasis. J'ai fait la musique d'un film d'animation qu'elle a réalisé pour une fondation bouddhiste et j'ai aussi composé la musique d'un film de mode pour une culotte qu'elle a designé qui s'appelle "la bobette".

Nodey & Youssoupha

C'est une photo prise le soir du zénith de Youssoupha. Après son concert, on a fêté le disque d'or de l'album NGRTD et Youss m'en a remis un exemplaire pour mon travail dessus. C'est la première fois que je reçevais un disque d'or, c'est le truc que tu vois petit à la télé ou dans les magazines et donc c'est à mes yeux un peu un rêve d'adolescent. Et ma petite fierté personnelle, c'est d'avoir produit sur un disque d'or sans chercher à coller à la tendance ou à des codes radios : J'ai pas mis la même suite d'accords que 80 pour cent des titres sur NRJ et je n'ai pas copié DJ Mustard. J'y ai mis des caisses claires boom bap, d'obscurs samples de musique vietnamienne, des rythmiques syncopées en ayant pour références des beatmakers de mon adolescence un peu underground : Des gars comme Nottz, Khalil ou Just Blase. Le genre de beats un peu de puristes que j'aurais pu lâcher en beatmaker contest. Et je pense que c'est mon coté zulu mais ouvert qui a intéressé Youss justement.

Nodey à La Cigale pour le RBMA Festival

C’était à la Cigale lors du festival Redbull Music Academy. C'était une soirée avec plein de rappeurs accompagnés par un band et présenté par Oxmo Puccino. L'orga m'a contacté pour faire une session de live beatmaking. C'est pas trop mon truc à la base mais vu que l'occasion était cool, j'ai accepté. Et je regrette pas, l'ambiance était cool et bon enfant, j'ai passé un bon moment, les gens semblaient contents.

Norman Thavaud a.k.a Norman fait des vidéos

C'est une photo que j'ai prise quant j'enregistrais "Norman fait des vidéos" au studio de Youss justement. Tu vois les rappeurs lisent leurs textes sur un téléphone ou une feuille, lui c'est la classe, c'est sur un macbook air. En rentrant d'Asie, je dois justement le recapter car il voudrait que je lui produise un nouveau morceau pour une future vidéo. Une autre de mes petites fiertés c'est que ses deux videos les plus vues sont celles ou j'ai composé et produit la musique, un truc comme 60 millions de vues.

Rap'ortrait

Si tu étais un son ? James Brown feat Marva Whitney "sunny"

Un bouquin ? "Les 48 lois du pouvoir" Robert Greene

Une sape ? White t-shirt à moins de 8 euros

Une femme ? Nina Simone

Un MC ? MC Solaar

Un objet ? Un thermos

Une série ? The Wire

Une punchline ? La même que Sadek chez Ruquier : "J'affectionne moins les drapeaux que les gens. L'homme peut suivre son cœur, les drapeaux eux, suivent la direction du vent" Despo Rutti.

Pour retrouver Nodey sur les réseaux sociaux

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